Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

subitement pour la campagne, appelé par une affaire pressante, et l’amant vient d’entrer, comme il en était convenu avec Déménète. Il est bon, dit-elle, de se préparer à la vengeance et d’entrer armé d’un poignard, afin que le scélérat ne puisse échapper. » Je suis son conseil, et, un poignard à la main, je me dirige vers la chambre à coucher. Thisbé me précédait avec des flambeaux. Arrivé au seuil, j’aperçois à l’intérieur la lueur d’une lampe, et aussitôt, transporté de fureur, j’enfonce la porte fermée en dedans, j’ouvre et me précipite dans la chambre. « Où est-il, m’écriais-je, le scélérat, le bel amoureux de cette honnête matrone ? » Et, en parlant ainsi, je m’avançais pour les percer tous les deux. Mais à ce moment, mon père, grands Dieux ! se précipite à bas du lit et tombe à mes genoux : « Mon fils, s’écrie-t-il, remets-toi un peu, aie pitié de celui qui t’a donné la vie ; épargne les cheveux blancs de celui qui t’a nourri ; oui, je t’ai fait injure, mais non. jusqu’à mériter que tu te venges par ma mort ; ne t’abandonne point tout entier à ta colère, ne souille pas tes mains du sang de ton père. » Pendant qu’il m’adressait ces lamentables supplications et d’autres semblables, j’étais comme foudroyé : immobile, pétrifié, glacé d’effroi, je cherchais autour de moi Thisbé, qui s’était échappée je ne sais comment ; je reportais mes yeux du lit à la chambre, sans trouver une parole, sans me décider à rien. Le poignard s’échappa de mes mains, et Déménète se précipita aussitôt pour le ramasser. Alors mon père, se voyant hors de danger, met la main sur moi et ordonne de me lier. Déménète l’excitait de toute sa force : « N’est-ce pas là, disait-elle, ce que j’avais prédit ; ne disais-je pas bien qu’il fallait se garder de ce jeune homme, et qu’il épiait l’occasion de faire un mauvais coup ? » Je voyais ses regards, je compris toute sa pensée. « Il est vrai, disait mon père, tu me l’avais annoncé ; mais je ne pouvais le croire. » Il me tint ainsi garrotté, sans me permettre,