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LUCIUS.


vre alors la chambre et m’apporte la fiole. Je me hâte de me déshabiller et je m’en frotte tout entier. Mais, hélas ! ce n’est point en oiseau que je me transforme ! Il me pousse une queue par-derrière ; tous mes doigts s’en vont je ne sais où ; il me reste en tout quatre ongles, et ces ongles ne sont ni plus ni moins que des sabots ; mes bras, mes jambes sont devenus des pieds de bête ; mes oreilles croissent démesurément, mon visage s’allonge. Je m’examine et je vois que je suis un âne. Il ne me reste pas même la voix humaine pour maudire Palestra. Le col tendu, les lèvres en avant, véritable baudet pour la forme et l’attitude, je la regardais obliquement, comme un bel et bon âne, et je lui reprochais, autant que je pouvais, d’avoir fait de moi un baudet au lieu d’un oiseau.

XIV. Elle se frappait le visage des deux mains, en criant : d Malheureuse ! quelle sottise j’ai faite ! Dans ma précipitation, je me suis laissé tromper par la ressemblance des fioles ; j’en ai pris une autre à la place de celle qui fait pousser des ailes : mais ne t’inquiète pas, mon bon ami, le remède est facile ; il te suffira de manger des roses pour dépouiller aussitôt la bête et me rendre mon amant. Prends donc patience, je t’en prie, cher ami ; sois âne pour cette nuit seulement ; demain matin j’accours te porter des roses ; tu les manges et te voilà guéri. c< Et, en parlant ainsi, elle me passait la main sur les oreilles, sur le dos et partout.

XV. Tout âne que j’étais, je restais homme, Lucius comme devant, par l’esprit et l’intelligence, la vorx pourtant exceptée. Après avoir bien maugréé en moi-même contre Palestra, pour sa bévue, je m’en vais en me mordant la lèvre à l’écurie, où je savais que se trouvait mon cheval en compagnie de l’âne d’Hipparque, un âne véritable. Mais lorsqu’ils me voient entrer, craignant que je ne vienne partager leur pitance, ils baissent les oreilles, et les pieds se disposent


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