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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/114

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LE SANG

« ― Le sang colore la flamme, disait-elle, le sang empourpre la fleur, le sang rougit la nue. Je me suis posée sur le sable, mes pattes étaient sanglantes ; j’ai effleuré les branches du chêne, mes ailes étaient rouges.

« J’ai rencontré un juste et je l’ai suivi. Je venais de me baigner dans la source, et ma robe était pure. Mon chant disait : Réjouissez-vous, mes plumes : sur l’épaule de cet homme, vous ne serez plus souillées de la pluie du meurtre.

« Mon chant dit aujourd’hui : Pleure, fauvette du Golgotha, pleure ta robe tachée par le sang de celui qui te gardait l’asile pur de son sein. Il est venu pour rendre la blancheur aux fauvettes, hélas ! et les hommes le forcent à me mouiller de la rosée de ses plaies.

« Je doute, et je pleure ma robe tachée. Où trouverai-je ton frère, ô Jésus ! pour qu’il m’ouvre son vêtement de lin ? Ah ! pauvre maître, quel fils né de toi lavera mes plumes que tu rougis de ton sang ? »

Le crucifié écoutait la fauvette. Le vent de la mort faisait battre ses paupières, et l’agonie tordait ses lèvres. Son regard se leva vers l’oiseau, plein d’un doux reproche ; son sourire brilla, serein comme l’espérance.

Alors, il poussa un grand cri. Sa tête se pencha sur sa poitrine, et la fauvette s’enfuit, emportée dans un sanglot. Le ciel devint noir et la terre frémit dans l’ombre.

Je courais toujours et je dormais. L’aurore était venue, et les vallées s’éveillaient, rieuses dans les