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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/121

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LES VOLEURS ET L’ÂNE

De quoi vivent-ils ? qui le sait ? Peut-être de baisers et de sourires. Ils s’aiment tant, qu’ils n’ont pas le loisir de songer au repas qui leur manque. Ils n’ont pas de pain, et ils en jettent aux moineaux. Quand ils ouvrent l’armoire vide, ils se rassasient en riant de leur pauvreté.

Leurs amours datent des premiers bluets. Ils se sont rencontrés dans un champ de blé. Se connaissant depuis longtemps, sans s’être jamais vus, ils ont pris le même sentier pour rentrer à la ville. Elle portait, comme une fiancée, un gros bouquet sur le sein. Elle a monté les sept étages, et, trop lasse, elle n’a pu redescendre.

Est-ce demain qu’elle en aura la force ? Elle l’ignore. En attendant, elle se repose en trottant menu par la mansarde, arrosant les fleurs et soignant un ménage qui n’existe pas. Puis elle coud, pendant que le jeune homme travaille. Leurs chaises se touchent ; peu à peu, pour plus de commodité, ils finissent par n’en prendre qu’une pour eux deux. La nuit vient et ils se grondent de leur paresse.

Ah ! comme il ment ce poëte, Ninon, et comme son mensonge est séduisant ! Qu’il ne soit jamais homme, l’éternel enfant, et qu’il nous trompe encore, lorsqu’il ne pourra plus se tromper lui-même. Il vient du paradis et nous en conte les amours. Il a rencontré là-haut Musette et Mimi, deux saintes, et qu’il s’est plu à les faire descendre parmi nous. Elles n’ont fait qu’effleurer la terre de leurs ailes, et s’en sont allées dans le rayon