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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/124

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LES VOLEURS ET L’ÂNE

naient plus rares. Déjà, sur le seuil des portes, nous voyions des marmots barbouillés se rouler fraternellement avec de gros chiens. Comme nous entrions en pleine campagne, Léon s’arrêta soudain devant un groupe d’enfants qui jouaient au soleil. Il caressa le plus jeune, puis il m’avoua qu’il adorait les têtes blondes.

J’ai toujours aimé, pour ma part, ces sentiers étroits, resserrés entre deux haies, et que les grands chariots ne creusent pas de leurs roues. Le sol en est couvert d’une mousse fine et douce aux pieds comme le velours d’un tapis. On y marche dans le mystère et le silence, et, lorsque deux amoureux s’y égarent, les épines des murs verdoyants forcent l’amante à se presser sur le cœur de l’amant. Nous nous étions engagés, Léon et moi, dans un de ces chemins perdus où les baisers ne sont écoutés que des fauvettes. Le premier sourire du printemps avait eu raison de la misanthropie de mon philosophe. Il éprouvait de longs attendrissements pour chaque goutte de rosée, et chantait comme un écolier en rupture de ban.

Le sentier s’allongeait toujours. Les haies, hautes et touffues, étaient tout notre horizon. Cette sorte d’emprisonnement et l’ignorance où nous étions de la route, redoublaient notre gaieté.

Peu à peu le passage devint plus étroit : il nous fallut marcher l’un derrière l’autre. Les haies faisaient de brusques détours, le chemin se changeait en labyrinthe.