avait repris son air méchant, je craignis un discours et je suppliai du regard notre compagne de me pardonner un ami aussi maussade. Mais elle était fille vaillante : un philosophe de vingt ans, tout sérieux qu’il fût, ne la déconcertait pas.
― Monsieur, dit-elle à Léon, vous êtes triste, notre gaieté paraît vous être importune. Je n’ose plus rire.
― Riez, riez, madame, répondit-il. Si je me tais, c’est que je ne sais point, comme ces messieurs, trouver de ces belles choses qui vous mettent en joie.
― Est-ce dire que vous n’êtes pas flatteur ? Mais parlez vite, alors. Je vous écoute et je veux de grosses vérités.
― Les femmes ne les aiment pas, madame. D’ailleurs, lorsqu’elles sont jeunes et belles, quel mensonge peut-on leur faire qui ne soit vrai ?
― Allons, vous le voyez, vous êtes un courtisan comme les autres. Voilà que vous me forcez à rougir. Lorsque nous sommes absentes, vous nous déchirez à belles dents, messieurs les hommes ; mais que la moindre de nous paraisse, vous n’avez pas de saluts assez profonds, pas de phrases assez tendres. C’est de l’hypocrisie, cela ! Moi, je suis franche, je dis : Les hommes sont méchants, ils ne savent pas aimer. Voyons, monsieur, soyez franc à votre tour. Que dites-vous des femmes ?
― Ai-je toute liberté ?
― Certainement.