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LES VOLEURS ET L’ÂNE

gèrement au bras, lorsqu’il voyait que je ne l’écoutais plus.

― Monsieur, me disait-il, j’ai rarement rencontré une femme plus capricieuse que mademoiselle Antoinette. Vous ne sauriez croire comme sa tête tourne au moindre souffle. Pour citer un exemple, lorsque nous vous avons rencontrés, ce matin, nous allions dîner à deux lieues d’ici. À peine aviez-vous disparu, qu’elle nous a fait revenir sur nos pas ; la contrée lui plaisait, disait-elle. C’est à perdre l’esprit. Moi, j’aime les choses qui s’expliquent.

Celui qui était à ma gauche disait en même temps, me forçant aussi à l’écouter :

― Monsieur, je désire depuis ce matin vous parler en particulier. Nous croyons, mon compagnon et moi, vous devoir des explications. Nous avons remarqué votre grande amitié pour mademoiselle Antoinette, et nous regrettons vivement de vous gêner dans vos projet. Si nous avions connu votre amour une semaine plus tôt, nous nous serions retirés, pour ne pas causer le moindre chagrin à un galant homme ; mais, aujourd’hui, il est un peu tard : nous ne nous sentons plus la force du sacrifice. D’ailleurs, je veux être franc : Antoinette m’aime. Je vous plains, et je me mets à votre disposition.

Je me hâtai de le rassurer. Mais j’eus beau lui jurer que je n’avais jamais été et que je ne serais jamais l’amant d’Antoinette, il n’en continua pas moins à me prodiguer les plus tendres consolations. Il lui était trop doux de penser qu’il m’avait volé ma maîtresse.