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LES VOLEURS ET L’ÂNE

― Soyez certain, mon pauvre monsieur, qu’Antoinette m’aime.

― Soyez certain, mon heureux monsieur, qu’Antoinette m’adore.

Je regardai Antoinette. Décidément, il n’y avait pas de fauvette dans le buisson.

― Je suis las de tout ceci, reprit l’un des soupirants. N’êtes-vous pas de mon avis, il est temps que l’un de nous disparaisse ?

― J’allais vous proposer de nous couper la gorge, répondit l’autre.

Ils avaient élevé la voix et gesticulaient, se dressant et s’asseyant dans leur colère. La jeune femme, distraite par le bruit croissant de la querelle, tourna la tête. Je la vis s’étonner, puis sourire. Elle attira l’attention de Léon sur les deux jeunes gens et, se tenant à lui, dit quelques mots qui le mirent en gaieté.

Il se leva, s’approchant de la rive, entraînant sa compagne. Ils étouffaient leurs éclats de rire et marchaient en évitant de faire rouler les pierres. Je pensai qu’ils allaient se cacher, pour se faire chercher ensuite.

Les deux galants criaient plus fort ; faute d’épées, ils préparaient leurs poings. Cependant Léon avait gagné la barque ; il y fit entrer Antoinette et se mit à en dénouer tranquillement le câble ; puis il y sauta lui-même et saisit les rames.

Comme l’un des amoureux allait lever le bras sur l’autre, il vit le canot au milieu de la rivière. Stupéfait