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SŒUR-DES-PAUVRES

suivaient, risquaient de courir une bonne semaine avant que de l’atteindre ; non pas qu’il y eût à hésiter sur le chemin qu’elle prenait, car elle laissait foule derrière elle, comme font les rois à leur passage ; mais parce qu’elle marchait si gaillardement qu’elle-même, en d’autres temps, n’aurait pu faire un pareil voyage en moins de six grandes semaines.

Et son cortège allait s’augmentant à chaque village. Tous ceux qu’elle secourait, marchaient à sa suite, si bien que, vers le soir, la foule s’étendait derrière elle, sur une longueur de plusieurs centaines de mètres. C’étaient ses bonnes œuvres qui la suivaient ainsi. Jamais saint ne s’est présenté devant Dieu avec une aussi royale escorte.

Cependant, la nuit tombait. Sœur-des-Pauvres marchait toujours ; toujours le petit sac travaillait. Enfin, on vit l’enfant s’arrêter sur le sommet d’un coteau ; elle se tint immobile, regardant les plaines qu’elle venait d’enrichir, et ses haillons se détachaient en noir dans la blancheur du crépuscule. Les mendiants firent cercle autour d’elle ; ils s’agitaient par grandes masses sombres, avec le sourd frémissement des foules. Puis, le silence régna. Sœur-des-Pauvres, haute dans le ciel, souriait, ayant un peuple à ses pieds. Alors, ayant beaucoup grandi depuis le matin, debout sur le coteau, elle leva la main au ciel, disant à son peuple :

― Remerciez Jésus, remerciez Marie.

Et tout son peuple entendit sa voix douce.