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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/166

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SŒUR-DES-PAUVRES

croulement du plancher, aurait ouvert les yeux pour un liard tombé sur les dalles. Il secoua Guillaumette.

― Hé ! femme, dit-il, entends-tu ?

Et comme la vieille balbutiait, de méchante humeur :

― La petite est rentrée, reprit-il. Je crois qu’elle a volé quelque passant, car j’entends là-haut le tintement d’une grosse bourse.

Guillaumette se souleva, sans plus gronder et fort éveillée. Elle alluma vite la lampe en disant :

― Je savais bien que cette fille était vicieuse.

Puis, elle ajouta :

― Je m’achèterai une coiffe à rubans et des souliers de coutil. Dimanche, je serai fière.

Alors tous deux, à peine vêtus, Guillaume allant le premier, Guillaumette élevant la lampe, montèrent à la mansarde. Leurs ombres, maigres et bizarres, s’allongeaient le long des murs.

Au haut de l’échelle, ils s’arrêtèrent d’étonnement. Il y avait sur le sol une couche de pièces épaisse de trois pieds, cela dans tous les coins, sans qu’il fût possible d’apercevoir large comme la main de plancher. Par endroits, s’élevaient des tas de monnaie ; on eût dit les vagues de cette mer de gros sous. Au milieu, entre deux de ces tas, dormait Sœur-des-Pauvres, dans un rayon de lune. L’enfant, cédant au sommeil, n’avait pu gagner son lit ; elle s’était laissée glisser doucement ; elle rêvait du ciel, sur cette couche faite d’aumônes. Les bras ramenés contre la poitrine,