Aller au contenu

Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
162
SŒUR-DES-PAUVRES

― Oncle Guillaume, tante Guillaumette !

Et, comme les deux vieux ne bougeaient, elle heurta du poing les planches mal jointes du volet, en répétant plus haut, à plusieurs reprises :

― Oncle Guillaume, tante Guillaumette, ouvrez vite, la fortune demande à entrer !

Or, Guillaume et Guillaumette entendirent cela en dormant, et, sans prendre la peine de s’éveiller, ils sautèrent du lit. Sœur-des-Pauvres criait encore lorsqu’ils parurent sur le seuil, se poussant et se frottant les yeux pour mieux voir ; et ils s’étaient tant pressés, que Guillaume avait les jupes et Guillaumette les culottes. Ils n’eurent garde de s’en douter, ayant bien d’autres sujets d’étonnement. Les tas de gros sous s’élevaient, hauts comme des meules de foin, devant les trois charrettes qui avaient fort grand air, les chaudrons et les meubles de chêne se détachant sur la neige. Les bœufs, au vent froid du matin, soufflaient avec bruit. Le soc de la charrue semblait d’argent, blanc des premiers rayons.

Le garçon de ferme s’avança et dit à Guillaume :

― Maître, où dois-je conduire l’attelage ? Ce n’est pas saison de labour. Soyez sans crainte : vos champs sont ensemencés, vous aurez ample récolte.

Et, pendant ce temps, les charretiers s’étaient approchés de Guillaumette.

― Brave dame, lui disaient-ils, voici votre ménage, avec vos provisions d’hiver. Hâtez-vous de nous dire où nous devons décharger nos charrettes. C’est peu