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SŒUR-DES-PAUVRES

d’un jour pour rentrer au logis toutes ces richesses.

Les deux vieux, bouche béante, ne savaient que répondre. Ils regardaient timidement ces biens qu’ils ne se connaissaient pas et songeaient aux vilains sous qui s’étaient si cruellement moqués d’eux, la nuit dernière. Sœur-des-Pauvres, cachée dans un coin, riait de leur étrange figure ; elle ne désirait tirer autre vengeance de leur peu d’amitié pour elle, dans les jours d’infortune. La pauvre petite n’avait jamais tant ri de sa vie. Je t’assure, tu aurais ri comme elle, de voir Guillaume en jupes et Guillaumette en culottes, ne sachant s’ils devaient se réjouir ou pleurer, faisant la grimace la plus plaisante du monde.

Enfin, comme elle les voyait près de rentrer et de fermer porte et fenêtre, elle se montra.

― Mes amis, dit-elle au garçon de ferme et aux charretiers, entrez tout ceci dans la chaumière ; n’ayez point souci d’emplir les chambres jusqu’au plafond. Je n’avais pas songé à la petitesse du logis, et j’ai tant acheté qu’il nous faut maintenant un château. Voici l’argent pour les maçons.

Elle disait cela afin d’être entendue de ses parents, car elle pensait avec raison les rassurer en leur donnant à comprendre qu’elle était la bonne fée qui leur faisait ces cadeaux. Or, Guillaume et Guillaumette se promettaient depuis la veille de la battre, en punition de ce qu’elle les avait quittés tout un jour ; mais, lorsqu’ils l’entendirent parler ainsi, lorsqu’ils virent les hommes déposer les meubles et les provisions à leur