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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/179

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SŒUR-DES-PAUVRES

Sœur-des-Pauvres, qui s’était agenouillée sur la pierre nue, eut une courte distraction à voir ce bel adieu du soleil à son coucher et ce cadre qu’elle ne savait point là. Puis elle pencha la tête et commença son oraison ; elle suppliait le bon Dieu de lui envoyer un ange qui se chargeât du gros sou.

Au fort de sa prière, elle leva le front. Le baiser du soleil montait lentement ; il avait laissé le cadre pour la toile peinte, et, comme il emplissait le tableau, on eût pu croire que cette lumière blonde sortait de l’image sainte. Elle rayonnait sur le mur noir, et c’était comme si quelque chérubin eût écarté un coin du voile des cieux ; car on y voyait, dans un éblouissement de gloire et de splendeur, la Vierge Marie endormant Jésus sur ses genoux.

Sœur-des-Pauvres regardait, cherchant à se souvenir. Elle avait vu, en songe peut-être, cette belle sainte et cette enfant divin. Eux aussi la reconnaissaient sans doute : ils lui souriaient, et même elle les vit sortir de la toile, pour descendre vers elle.

Elle entendit une voix douce qui disait :

― « Je suis la sainte mendiante des cieux. Les pauvres de la terre me font l’offrande de leurs larmes, et je tends la main à chaque misérable, afin qu’il se soulage. J’emporte au ciel ces aumônes de souffrance. Ce sont elles qui, amassées une à une dans les siècles, formeront au dernier jour les trésors de félicité des élus.

« C’est ainsi que je vais par le monde, pauvrement