Aller au contenu

Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/187

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
177
ET DU PETIT MÉDÉRIC

si belles et si simples qu’il faut toute la pureté de l’enfance pour les comprendre.

Les mêmes savants, qui faisaient métier d’étudier ce qui ne saurait être expliqué, se posaient encore un grave problème. Comment peut-il se faire, se demandaient-ils entre eux, sans jamais se répondre, que cette grande bête de Sidoine aime d’un amour aussi tendre ce petit polisson de Médéric, et comment ce petit polisson trouve-t-il tant de caresses pour cette grande bête ? Question obscure, bien faite pour inquiéter des esprits chercheurs : la fraternité du brin d’herbe et du chêne.

Je ne me soucierais pas autant de ces savants, si un d’eux, le moins accrédité dans la paroisse, n’avait dit certain jour en hochant la tête : « Hé, hé ! bonnes gens, ne voyez-vous pas ce dont il s’agit ? Rien n’est plus simple. Il s’est fait un échange entre les marmots. Quand ils étaient au berceau, alors qu’ils avaient la peau tendre et le crâne de peu d’épaisseur, Sidoine a pris le corps de Médéric, et Médéric, l’esprit de Sidoine ; de sorte que l’un a crû en jambes et en bras, tandis que l’autre croissait en intelligence. De là leur amitié. Ils sont un même être en deux êtres différents ; et c’est, si je ne me trompe, la définition des amis parfaits. »

Lorsque le bonhomme eut ainsi parlé, ses collègues rirent aux éclats et le traitèrent de fou. Un philosophe daigna lui démontrer comme quoi les âmes ne se transvasent point de la sorte, ainsi qu’on fait d’un liquide ; un naturaliste lui criait en même temps, dans l’autre oreille, qu’on n’avait pas d’exemple en zoologie d’un