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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

frère cédant ses épaules à son frère, comme il lui céderait sa part de gâteau. Le bonhomme hochait toujours la tête, répétant : « J’ai donné mon explication, donnez la vôtre, et nous verrons laquelle des deux est la plus raisonnable. »

J’ai longtemps médité ces paroles et je les ai trouvées pleines de sagesse. Jusqu’à meilleure explication, ― si tant est que j’aie besoin d’une explication pour continuer ce conte, ― je m’en tiendrai à celle donnée par le vieux savant. Je sais qu’elle blessera les idées nettes et géométriques de bien des personnes ; mais, comme je suis décidé à accueillir avec reconnaissance les nouvelles solutions que mes lecteurs trouveront sans aucun doute, je crois agir justement, en une matière aussi délicate.

Ce qui, Dieu merci, n’était pas sujet à controverse, ― car tous les esprits droits conviennent assez souvent d’un fait, ― c’est que Sidoine et Médéric se trouvaient au mieux de leur amitié. Ils découvraient chaque jour tant d’avantages à être ce qu’ils étaient, que, pour rien au monde, ils n’auraient voulu changer de corps ni d’esprit.

Sidoine, lorsque Médéric lui indiquait un nid de pie, tout au haut d’un chêne, se déclarait l’enfant le plus fin de la contrée ; Médéric, lorsque Sidoine se baissait pour s’emparer du nid, croyait de bonne foi avoir la taille d’un géant. Mal t’en eût pris, si tu avais traité Sidoine de sot, espérant qu’il ne saurait te répondre : Médéric t’aurait prouvé en trois phrases que tu tour-