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ET DU PETIT MÉDÉRIC

nais à l’idiotisme. Et Médéric donc, si tu l’avais raillé sur ses petits poings, tout juste assez forts pour écraser une mouche, c’eût été une bien autre chanson : je ne sais trop comment tu aurais échappé aux longs bras de Sidoine. Ils étaient forts et intelligents tous deux, puisqu’ils s’aimaient et ne se quittaient point, et ils n’avaient jamais songé qu’il leur manquât quelque chose, si ce n’est les jours où le hasard les séparait.

Pour ne rien cacher, je dois dire qu’ils vivaient un peu en vagabonds, ayant perdu leurs parents de bonne heure et se sentant de force à manger en tous lieux et en tous temps. D’autre part, ils n’étaient pas garçons à se loger tranquillement dans une cabane. Je te laisse à penser quel hangar il eût fallu pour Sidoine ; quant à Médéric, une armoire lui aurait mieux convenu. Si bien que, pour la commodité de tous deux, ils logeaient aux champs, dormant en été sur le gazon, et, l’hiver, se moquant du froid, sous une chaude couverture de feuilles et de mousses sèches.

Ils formaient ainsi un ménage assez singulier. Médéric avait charge de penser ; il s’en acquittait à merveille, connaissait au premier coup d’œil les terrains où se trouvaient les pommes de terre les plus savoureuses, et savait, à une minute près, le temps qu’elles devaient rester sous la cendre pour être cuites à point. Sidoine agissait ; il déterrait les pommes de terre, et ce n’était pas, je t’assure, petite besogne, car, si son compagnon n’en mangeait qu’une ou deux, il lui en fallait bien, quant à lui, trois à quatre charretées ; puis,