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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/209

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ET DU PETIT MÉDÉRIC

et coupaient d’une ligne sombre la blancheur éclatante du sol. Les uns, ceux qui descendaient du nord, portaient des casaques bleues ; les autres, ceux qui montaient du midi, étaient vêtues de blouses vertes. Tous avaient à l’épaule de longues piques à pointe d’acier, et, à chaque pas que faisaient les colonnes, un large éclair les sillonnait silencieusement. Ils marchaient les uns contre les autres.

— Mon mignon, cria Médéric, plaçons-nous bien, car, si je ne me trompe, nous allons avoir un beau spectacle. Ces braves gens ne manquent pas d’esprit. Le lieu est on ne peut mieux choisi pour couper commodément la gorge à quelques cent mille hommes. Ils vont se massacrer à l’aise, et les vaincus auront un beau champ de course, lorsqu’il s’agira de décamper au plus vite. Parlez-moi d’une pareille plaine pour se battre à l’extrême satisfaction des spectateurs.

Cependant, les deux armées s’étaient arrêtées en face l’une de l’autre, laissant entre elles une large bande de terrain. Elles poussèrent des clameurs effroyables, elles brandirent leurs armes, se montrèrent le poing, mais n’avancèrent pas d’une toise. Chacune semblait avoir un grand respect pour les piques ennemies.

— Oh ! les lâches coquins ! répétait Médéric qui s’impatientait ; est-ce qu’ils comptent coucher ici ? Je jurerais qu’ils ont fait plus de cent lieues pour le seul plaisir de se gourmer, et, maintenant, les voilà qui hésitent à échanger la moindre chiquenaude. Je te