Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
213
ET DU PETIT MÉDÉRIC

soin d’une petite révolution, s’ils n’avaient à rosser quelque peuple voisin. Dans chaque nation, il y a une certaine somme de coups à dépenser ; la prudence veut que ces coups se distribuent à cinq ou six cents lieues des capitales. Laissez-moi vous dire toute ma pensée. La formation d’une armée est simplement une mesure prévoyante prise pour séparer les hommes tapageurs des hommes raisonnables ; une campagne a pour but de faire disparaître le plus possible de ces hommes tapageurs, et de permettre au souverain de vivre en paix, n’ayant pour sujets que des hommes raisonnables. On parle, je le sais, de gloire, de conquêtes et autres balivernes. Ce sont là de grands mots dont se payent les imbéciles. Les rois ont certainement un intérêt à se priver de citoyens ; sans cela, ils préféreraient garder tous leurs sujets auprès d’eux, et confier la culture de leurs royaumes à un plus grand nombre de bras. Puisqu’ils se jettent leurs troupes à la tête au moindre mot, c’est qu’ils s’entendent et se trouvent bien du sang versé. Je compte donc les imiter en appauvrissant le sang de mon peuple, qui pourrait un beau jour avoir la fièvre chaude. Seulement, un point m’embarrassait. Plus on va et plus les sujets de guerre deviennent difficiles à inventer ; bientôt on en sera réduit à vivre en frères, faute d’une raison pour se gourmer honnêtement. J’ai dû faire appel à toute mon imagination. De nous battre pour réparer une offense, il n’y fallait pas songer : nous n’avons rien à réparer, personne ne nous provoque, nos voisins sont gens polis et de bon ton. De