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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/222

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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

crois mériter, comme tout le monde, d’être un peu roi à mon tour, et je ne sais vraiment pourquoi je ne suis pas né fils de prince, ce qui m’aurait évité l’embarras de fonder une dynastie.

« Avant tout, je dois, pour assurer ma tranquillité future, vous faire remarquer les circonstances présentes. Vous me croyez une bonne machine de guerre, et, à ce titre, vous m’offrez la couronne. Moi, je me laisse faire. C’est là, si je ne me trompe, ce qu’on appelle le suffrage universel. L’invention me paraît excellente, et les peuples s’en trouveront au mieux lorsqu’on l’aura perfectionnée. Veuillez donc, à l’occasion, vous en prendre à vous seuls, si je ne tiens pas toutes les belles choses que je vais promettre ; car je puis en oublier quelqu’une, cela sans méchanceté, et il ne serait pas juste de me punir d’un manque de mémoire, lorsque vous auriez vous-mêmes manqué de jugement.

« J’ai hâte d’arriver au programme que je me traçais depuis longtemps, pour le jour où j’aurais le loisir d’être roi. Il est d’une simplicité charmante, et je le recommande à mes collègues les souverains, qui se trouveraient embarrassés de leurs peuples. Le voici dans son innocence et sa naïveté : la guerre au dehors, la paix au dedans.

« La guerre au dehors est une excellente politique. Elle débarrasse le pays des gens querelleurs et leur permet d’aller se faire estropier hors des frontières. Je parle de ceux qui naissent les poings fermés et qui, par tempérament, sentiraient de temps à autre le be-