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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/226

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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

science, nous emploierons, pour guérir notre peuple de son inquiétude maladive, les faibles moyens dont nos prédécesseurs nous ont légué la recette. Certes, ils ne sont pas infaillibles, et, si nous en faisons usage, c’est qu’on n’a pas encore inventé de bonnes cordes assez longues et assez fortes pour garrotter une foule. Le progrès marche si lentement ! Ainsi nous choisirons nos ministres avec soin. Nous ne leur demanderons pas de grandes qualités morales ni intellectuelles ; il les suffira médiocres en toutes choses. Mais ce que nous exigerons absolument, c’est qu’ils aient la voix forte et distincte, et se soient longtemps exercés à crier : Vive le roi ! sur le ton le plus haut et le plus noble possible. Un beau : Vive le roi ! poussé dans les règles, enflé avec art et s’éteignant dans un murmure d’amour et d’admiration, est un mérite rare qu’on ne saurait trop récompenser. À vrai dire, cependant, nous comptons peu sur nos ministres ; souvent ils gênent plus qu’ils ne servent. Si notre avis prévalait, nous jetterions ces messieurs à la porte, et nous vous servirions de roi et de ministres, le tout ensemble. Nous fondons de plus grandes espérances sur certaines lois que nous nous proposons de mettre en vigueur ; elles vous empoigneront un homme au collet et vous le lanceront à la rivière, sans plus amples explications, selon l’excellente méthode des muets du sérail. Vous voyez d’ici combien sera commode une justice aussi expéditive ; il est tant de fâcheux tenant aux formes et croyant candidement un crime nécessaire pour être