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ET DU PETIT MÉDÉRIC

coupable ! Nous aurons également à notre service de bons petits journaux payés grassement, chantant nos louanges, cachant nos fautes et nous prêtant plus de vertus qu’à tous les saints du paradis. Nous en aurons d’autres, et ceux-là nous les payerons plus cher ; ils attaqueront nos actes, discuteront notre politique, mais d’une façon si plate et si maladroite qu’ils ramèneront à nous les gens d’esprit et de bon sens. Quant aux journaux que nous ne payerons pas, il ne leur sera permis ni de blâmer ni d’approuver, et, de toutes manières, nous les supprimerons au plus tôt. Nous devrons aussi protéger les arts, car il n’est pas de grand règne sans grands artistes. Pour en faire naître le plus possible, nous abolirons la liberté de pensée. Il serait peut-être bon aussi de servir une petite rente aux écrivains en retraite, j’entends à tous ceux qui ont su faire fortune et qui sont patentés pour tenir boutique de prose ou de vers. Quant aux jeunes gens, à ceux qui n’auront que du talent, nous leur ouvrirons nos hôpitaux. À cinquante ou soixante ans, s’ils ne sont pas tout à fait morts, ils participeront aux bienfaits dont nous comblerons le monde des lettres. Mais les vrais soutiens de notre trône, les gloires de notre règne, ce seront les tailleurs de pierres et les maçons. Nous dépeuplerons les campagnes, nous appellerons à nous tous les hommes de bonne volonté, et leur ferons prendre la truelle. Ce sera un touchant et sublime spectacle ! Des rues larges et droites trouant une ville d’un bout à un autre ! de beaux murs blancs, de beaux