véritable esprit du discours, et si l’armée entendit ce qu’il lui plut d’entendre, ce fut grâce aux précautions oratoires et à la longueur des tirades. N’en est-il pas toujours de même en pareille circonstance ?
Tant que son frère parla, Sidoine travailla rudement des bras et des mâchoires. Il eut des gestes fort applaudis, tantôt familiers sans trivialité, tantôt d’une ampleur noble et d’un lyrisme entraînant. S’il faut tout dire, il se permit par instants d’étranges contorsions et des hauts-le-corps qui n’étaient précisément pas de bon goût ; mais cette mimique risquée fut mise sur le compte de l’inspiration. Ce qui enleva les suffrages, ce fut la manière remarquable dont il ouvrait la bouche. Il baissait le menton, puis le relevait par petites saccades régulières ; il faisait prendre à ses lèvres toutes les figures géométriques, depuis la ligne droite jusqu’à la circonférence, en passant par le triangle et le carré ; même, au trait final de chaque tirade, il montrait la langue, hardiesse poétique qui eut un succès prodigieux.
Lorsque Médéric se tut, Sidoine comprit qu’il lui restait à finir par un coup de maître. Il saisit l’instant favorable, et, se cachant de la main, sans plus bouger, il cria d’une voix terrible :
— Vive Sidoine Ier, roi des Bleus !
Le seigneur géant savait placer son mot à l’occasion. Aux éclats de cette voix, chaque bataillon pensa avoir entendu le bataillon voisin pousser ce cri d’enthousiasme, et, comme rien n’est plus contagieux