Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/238

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
228
AVENTURES DU GRAND SIDOINE

prendre, le roi orateur eut encore plus de popularité que le roi guerrier.

Somme toute, la nation Bleue était dans le ravissement. Elle possédait enfin le prince rêvé, un prince idéal, mettant tous ses soins aux menus plaisirs et ne se mêlant jamais des détails sérieux. Cependant, comme un peuple, même un peuple satisfait, murmure toujours un peu, on accusait l’excellent homme de certains goûts bizarres, par exemple de sa singulière obstination à vouloir dormir à la belle étoile. De plus, je crois te l’avoir dit, Sidoine péchait par une grande coquetterie ; dès qu’il eut un budget sous la main, il échangea vite ses peaux de loup contre de splendides vêtements de soie et de velours, trouvant à se regarder quelques dédommagements aux ennuis de sa nouvelle profession. On le blâmait de cet innocent plaisir, et, bien qu’il ne fît autre dépense, on lui reprochait d’user trop de satin et de dentelle. La rosée, il est vrai, tache les étoffes fines, et rien ne les coupe comme la paille. Or, Sidoine couchait tout habillé.

Pour en finir, on comptait à peine cinq à six milliers de mécontents dans cet empire de trente millions d’hommes : des courtisans sans emploi dont l’échine se roidissait, des gens de nerfs irritables auxquels les longs discours donnaient la fièvre, surtout des pervers que fâchait la paix publique. Après une semaine de règne, Sidoine aurait pu sans crainte tenter de nouveau le suffrage universel.

Le neuvième jour, Médéric fut pris au réveil d’une