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ET DU PETIT MÉDÉRIC

pagne. Ce fut là le sujet d’une belle proclamation. Elle débutait par cet exorde remarquable : « Il n’est rien de tel pour se gourmer d’importance, comme de savoir pourquoi on se gourme. Or, puisque le roi, lorsqu’il déclare la guerre, connaît seul les causes de son bon plaisir, la logique veut que le roi se batte seul. » Les soldats goûtèrent beaucoup ces pensées ; à la vérité, faute d’une bonne raison pour taper plus longtemps, ils avaient tourné le dos dans maintes batailles. Souvent aussi ils s’étaient étonnés, causant le soir dans les ambulances avec des blessés ennemis, de l’originale méthode des princes, ayant des poings, comme tout le monde, et faisant tuer plusieurs milliers d’hommes, pour vider leurs querelles particulières.

Seulement, les Bleus, s’il te souvient de la charte, avaient pris un maître dans l’unique but de s’égayer à le voir frapper et à l’entendre discourir ; l’armée obtint donc de suivre son chef à deux kilomètres de distance, et, de cette façon, elle eut l’agréable spectacle des combats, sans en courir les dangers.

Médéric harangua plus encore que Sidoine ne se battit. Au bout d’une semaine, il avait déjà enrichi la littérature du pays de treize gros volumes. Le troisième jour, en s’éveillant, il se trouva savoir le grec et le latin, sans avoir appris ces langues dans aucun collège ; il put de la sorte répondre par dix pages de Démosthène au prince des orateurs, qui pensait l’embarrasser en lui récitant cinq pages de Cicéron. Depuis ce moment, qui fut celui où le peuple cessa de com-