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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

un murmure trop discret pour se permettre de pareilles plaintes. Étonné, Médéric écarta les branches et interrogeant l’horizon. Au premier abord, il ne vit rien ; la campagne, de ce côté, s’étendait, grise et nue, sorte de plaine s’élevant de coteaux en coteaux, jusqu’aux montagnes qui la bornaient. Le bruit augmentant toujours, il regarda mieux. Alors il remarqua, surgissant d’un pli de terrain, une roche d’une structure singulière. Cette roche, — car il était difficile de la prendre pour autre chose qu’une roche, — avait la forme exacte et la couleur d’un nez, mais d’un nez colossal, dans lequel on eût aisément taillé plusieurs centaines de nez ordinaires. Tourné d’une façon désespérée vers le ciel, ce nez avait toutes les allures d’un nez troublé dans sa quiétude par quelque grande douleur. À coup sûr le bruit partait de ce nez.

Médéric, quand il eut examiné la roche avec attention, hésita un instant, n’osant en croire ses yeux. Enfin, se retrouvant en pays de connaissance, ne pouvant douter :

— Hé ! mon mignon ! cria-t-il émerveillé, pourquoi diable ton nez se promène-t-il tout seul dans les champs ? Que je meure si ce n’est lui qui est là, à se pâmer comme un veau qu’on égorge !

À ces mots, le nez, — contre toute croyance, la roche n’était en effet autre chose qu’un nez, — le nez s’agita d’une manière déplorable. Il y eut comme un éboulement de terrain. Un long bloc grisâtre, qui ressemblait assez à un énorme obélisque couché sur le sol,