lution de travailler à celui des bêtes de son royaume. Puisque les hommes se déclaraient parfaitement heureux, elle se consacrait à la félicité des insectes et des lions. Ainsi elle apaisait son besoin d’aimer.
Il faut le dire, si la concorde régnait dans les villes, il n’en était pas de même dans les bois. De tous temps, Primevère avait éprouvé de douloureux étonnements à voir la guerre éternelle que se livrent entre elles les créatures. Elle ne pouvait s’expliquer l’araignée buvant le sang de la mouche, l’oiseau se nourrissant de l’araignée. Un de ses plus pesants cauchemars consistait à voir, par les mauvaises nuits d’hiver, une sorte de ronde effrayante, un cercle immense emplissant les cieux ; ce cercle était formé de tous les êtres placés à la file, se dévorant les uns les autres ; il tournait sans cesse, emporté dans la furie du terrible festin. L’épouvante mettait au front de l’enfant une sueur froide, lorsqu’elle comprenait que ce festin ne pouvait finir et que les êtres tourneraient ainsi éternellement, au milieu de cris d’agonie.
Mais c’était là un rêve pour elle ; la chère fillette n’avait pas conscience de la loi fatale de la vie, qui ne peut être sans la mort. Elle croyait au pouvoir souverain de ses larmes.
Voici le beau projet qu’elle forma, dans son innocence et sa bonté, pour le plus grand bonheur des bêtes de son royaume.
À peine maîtresse du pouvoir, elle fit publier à son de trompe, aux carrefours de chaque forêt, dans les