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ET DU PETIT MÉDÉRIC

basses-cours et sur les places des grandes villes, que toute bête se sentant lasse du métier de vagabond trouverait un asile sûr à la cour de l’aimable Primevère. En outre, disait la proclamation, les pensionnaires seraient instruits dans l’art difficile d’être heureux, selon les lois du cœur et de la raison, et jouiraient d’une nourriture abondante, exempte de larmes. Comme l’hiver approchait, les repas devenant rares, des loups maigres, des insectes frileux, tous les animaux domestiques de la contrée, les chats et les chiens errants, et enfin cinq à six douzaines de bêtes fauves curieuses se rendirent à l’appel de la jeune reine.

Elle les logea commodément dans un grand hangar, leur donnant mille douceurs des plus nouvelles pour eux. Son système d’éducation était simple comme son âme ; il consistait à beaucoup aimer ses élèves, leur prêchant d’exemple un amour mutuel. Elle fit construire pour chacun d’eux une cellule semblable, sans se soucier de leurs différences de nature, et les pourvut de bonnes couches de paille et de bruyère, d’auges propres et à hauteur convenable, de couvertures en hiver et de branches de feuillage en été. Le plus possible, elle voulait les amener à oublier leur vie vagabonde, aux joies cuisantes et pénibles ; aussi avait-elle, bien à regret, fait entourer le hangar de fortes grilles, pour aider à la conversion et mettre une barrière entre l’esprit de révolte des bêtes du dehors et les excellentes dispositions de ses disciples. Matin et soir, elle les visitait, les réunissant dans une salle