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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

fait un tour de force. Tu ne peux décemment m’empêcher de faire un tour de force, mon mignon, si j’ai la moindre vanité d’en vouloir faire un.

— Parle, mon frère Médéric, tes discours ne m’empêchent pas de marcher.

— Voilà de sages paroles. Mon mignon, je te prie de regarder un peu attentivement aux quatre points de l’horizon. De cette hauteur, nous ne distinguons pas les hommes nos frères, et nous pouvons prendre aisément leurs villes pour des tas de pavés grisâtres jetés au fond des plaines ou sur la pente des coteaux. La terre, ainsi considérée, offre un spectacle d’une grandeur singulière : ici des rochers par longues arêtes, là des flaques d’eau dans les trous ; puis, de loin en loin, quelques forêts faisant des taches sombres sur la blancheur du sol. Cette vue a la beauté des horizons immenses ; mais l’homme trouvera toujours plus de charme à contempler une chaumière adossée à une rampe de roches, ayant deux églantiers et un filet d’eau à sa porte.

Sidoine fit une grimace en entendant ce détail poétique. Médéric continua :

— À de longs intervalles, assure-t-on, d’effrayantes secousses brisent les continents, soulèvent les mers, changent les horizons. Un nouvel acte commence dans la grande tragédie de l’Éternité. En ce moment, je me figure regarder un de ces mondes antérieurs, alors que les géographes n’étaient pas. Bienheureuses montagnes, fleuves fortunés, calmes océans, vous vivez en