Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/277

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
267
ET DU PETIT MÉDÉRIC

paix vos milliers de siècles, sans noms devant Dieu, formes passagères d’une terre qui changera peut-être demain. Mon mignon et moi, nous vous voyons de bien haut, comme doit vous voir votre Créateur, et nous n’avons point souci de la profondeur des flots, de la hauteur des monts ni des diverses températures des contrées. Ouvre l’oreille, Sidoine, je vulgarise plus que jamais ; je suis en plein dans la géographie physique du globe. Pour l’Éternel, il devra exister autant de différents mondes qu’il y aura eu de bouleversements. Tu dois comprendre cela. Mais l’homme, créature d’une époque, ne peut envisager la terre que sous une seule façon d’être. Depuis la naissance d’Adam, les paysages n’ont pas changé ; ils sont tels que les eaux du dernier déluge les ont laissés à nos pères. Voilà ma besogne singulièrement simplifiée. Nous avons seulement à étudier des lignes immobiles, une certaine configuration nettement arrêtée. La mémoire du regard va suffire. Regarde et tu seras savant. La carte est belle, je pense, et tu as assez d’intelligence pour ouvrir les yeux.

— Je les ouvre, mon frère, et, je l’avoue, je vois des océans, des montagnes, des rivières, des îles, et mille autres choses ; même, lorsque je ferme les paupières, je revois encore ces choses dans la nuit, et c’est là sans doute ce que tu as appelé la mémoire du regard. Mais il serait bon, je crois, de me dire le nom de ces merveilles et de me parler un peu des habitants, après m’avoir décrit la maison.