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ET DU PETIT MÉDÉRIC

ciseau ; bientôt, lasse de gloire et d’amour, elle s’efface et ne laisse que des ruines pour témoigner de sa grandeur passée. Enfin Rome s’élève, grandie des dépouilles du monde ; la guerrière soumet les peuples, règne par le droit écrit et perd la liberté en acquérant la puissance ; elle hérite des richesses de l’Égypte, du courage et de la poésie de la Grèce ; elle est toute volupté et splendeur ; mais, lorsque la guerrière s’est changée en courtisane, un ouragan venu du nord passe sur la ville éternelle et en dissipe aux quatre vents les arts et la civilisation.

Si jamais discours fit bâiller Sidoine, ce fut celui que Médéric déclamait de la sorte.

— Et la Chine ? demanda-t-il d’un ton modeste.

— La Chine ! s’écria Médéric, le diable t’emporte ! Voilà mon histoire universelle inachevée et j’ai perdu l’élan nécessaire pour une pareille tâche. Est-ce que la Chine existe ? Tu crois la voir, et les apparences te donnent raison, je l’avoue ; mais ouvre le premier traité d’histoire venu, et tu ne trouveras pas dix pages sur cet empire prétendu si grand par ces mauvais plaisants de géographes. Une moitié du monde a toujours parfaitement ignoré l’histoire de l’autre moitié.

— Le monde n’est pourtant pas si grand, remarqua Sidoine.

— D’ailleurs, mon mignon, sans plus vulgariser, j’estime singulièrement la Chine, et je la crains même un peu, comme tout ce qui est inconnu. Je crois voir en elle la grande nation de l’avenir. Demain, quand