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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

— Alors, ma mie, essuyez vos larmes. Je viens pour vous épouser.

Primevère essuya ses larmes, et, mettant les mains dans les mains de Médéric, le regarda en face.

— Je ne suis qu’une ignorante, dit-elle doucement. Voilà des yeux mauvais, et pourtant ils ne me font pas peur. Il y a de la bonté et je ne sais quelle triste raillerie dans ces yeux-là. Avez-vous besoin de mes caresses pour devenir meilleur ?

— J’en ai besoin, répondit Médéric. J’ai couru le monde et je suis las.

— Le ciel est bon, reprit l’enfant. Il ne laisse pas chômer ma tendresse. Je vous épouserai, cher seigneur.

Ce disant, elle s’assit de nouveau. Elle songeait à cette pitié inconnue qui naissait en elle ; jamais elle n’avait senti pareil désir de consoler. Dans sa naïveté, elle se demandait si elle ne venait pas de trouver enfin la mission confiée par Dieu en ce monde aux jeunes reines d’âme tendre et charitable. Les hommes jouissent d’une félicité si parfaite qu’ils se fâchent au moindre bienfait ; les bêtes ont de méchants caractères, malaisés à comprendre. Sûrement, puisque le ciel lui donnait des pleurs et des caresses, elle ne pouvait les donner à son tour à aucune créature, si ce n’était à son cher seigneur, qui lui disait en avoir grand besoin. Pour ne rien cacher, elle se sentait tout autre ; elle ne pensait plus à son peuple, elle oubliait même complè-