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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/327

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ET DU PETIT MÉDÉRIC

vous faut absolument une morale aux aventures de mon géant et de mon nain, peut-être vous contenterai-je en vous donnant celle-ci : Six mille ans et six mille ans encore s’écouleront, sans que nous achevions jamais notre première enjambée. » Voilà, mon mignon, ce qu’un historien consciencieux conclurait de notre histoire. Mais, tu penses, les beaux cris qui accueilleraient une pareille conclusion ! Je me refuse nettement à être une cause de scandale pour nos frères, et, dès ce moment, désireux de voir notre légende courir le monde dûment autorisée et approuvée, j’en rédige la morale comme suit : « Bonnes gens qui m’avez lu, écrira le pauvre hère, je ne puis vous détailler ici les quinze ou vingt morales de ce récit. Il y en a pour tous les âges et pour toutes les conditions. Il suffit de vous recueillir et de bien interpréter mes paroles. Mais la vraie morale, la plus moralisante, celle dont je compte moi-même faire profit à ma prochaine histoire, est celle-ci : Lorsqu’on se met en route pour le Royaume des Heureux, il faut en connaître le chemin. Êtes-vous édifiés ? J’en suis fort aise. » Hé ! mon mignon Sidoine, tu n’applaudis pas ?

Sidoine dormait. Au ciel, la lune venait de se lever ; une clarté douce emplissait l’horizon, bleuissant l’espace, et tombait en nappes d’argent des hauteurs dans la campagne. Les ténèbres s’étaient dissipées ; le silence régnait, plus profond. À l’effroi de l’heure précédente avait succédé une sereine tristesse. Dans le