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SIMPLICE


VIII

Il entendit les vieux chênes qui lui criaient avec colère :

— Que ne disais-tu que tu étais un homme ? Nous nous serions cachés de toi, nous t’aurions refusé nos leçons, et ton œil de ténèbres n’aurait pu voir Fleur-des-eaux, l’ondine de la source. Tu t’es présenté à nous avec l’innocence des bêtes, et voici qu’aujourd’hui tu montres l’esprit des hommes. Vois, tu écrases les scarabées, tu arraches nos feuilles, tu brises nos branches. Le vent d’égoïsme t’emporte, et tu veux nous voler notre âme.

Et l’aubépine ajouta :

— Simplice, arrête, par pitié ! Lorsque l’enfant capricieux désire respirer le parfum de mes bouquets étoilés, que ne les laisse-t-il s’épanouir librement sur la branche ! Il les cueille et n’en jouit qu’une heure.

Et la mousse dit à son tour :

— Arrête, Simplice, et viens rêver sur le velours de mon frais tapis. Au loin, entre les arbres, tu verras se jouer Fleur-des-eaux. Tu la verras se baigner dans la source et jeter à son cou des colliers de perles humides. Nous te mettrons de moitié dans la joie de son regard, et, comme à nous, il te sera permis de vivre pour la voir.