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LE CARNET DE DANSE

Longtemps nous errâmes dans les taillis, peu soucieux de la direction des sentiers, mais choisissant les plus ombreux et les plus secrets. Nos francs éclats de rire effrayaient les grives et les merles qui sifflaient dans les haies ; et, parfois, nous entendions glisser bruyamment sous les ronces un lézard vert troublé dans son extase par le bruit de nos pas. Notre course était sans but ; nous avions vu, après une journée de nuages, le ciel sourire vers le soir, et nous étions lestement sortis pour profiter de ce rayon de soleil. Nous allions ainsi, soulevant sous nos pieds une odeur de sauge et de thym, tantôt nous poursuivant, tantôt marchant lentement et les mains enlacées. Puis je cueillais pour toi les dernières fleurs, ou je cherchais à atteindre les baies rouges des aubépines que tu désirais comme un enfant ; et toi, Ninon, pendant ce temps, couronnée de fleurs, tu courais à la source voisine, sous prétexte de boire, mais plutôt pour admirer ta coiffure, ô coquette et paresseuse fille.

Il se mêla soudain aux murmures vagues de la forêt de lointains éclats de rire ; un fifre et un tambourin se firent entendre, et la brise nous apporta des bruits affaiblis de danse. Nous nous étions arrêtés, l’oreille tendue, tout disposés à voir dans cette musique le bal mystérieux des sylphes. Nous nous glissâmes d’arbre en arbre, dirigés par le son des instruments, et, lorsque nous eûmes écarté avec précaution les branches du dernier massif, voici le spectacle qui s’offrit à nos yeux.