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LE CARNET DE DANSE

si léger que le subit craquement d’un meuble la fit enfin dresser à demi. Elle écarta ses cheveux tombant en désordre sur son front, et essuya ses yeux gros de sommeil, ramenant sur ses épaules tous les coins des couvertures et croisant les bras pour se mieux voiler.

Quand elle fut bien éveillée, elle avança la main vers un cordon de sonnette qui pendait auprès d’elle ; mais elle la retira vivement et, sautant à terre, courut écarter elle-même les draperies des fenêtres. Un gai rayon de soleil emplit la chambre de lumière. L’enfant, surprise de ce grand jour et venant à se voir dans une glace demi-nue et en désordre, fut fort effrayée et revint se blottir au fond de son lit, rouge et tremblante de ce bel exploit. Sa chambrière était une fille sotte et curieuse ; Georgette préférait sa rêverie aux bavardages de cette femme. Mais, bon Dieu ! quel grand jour il faisait, et combien les glaces sont indiscrètes !

Maintenant, sur les sièges épars, on voyait, négligemment jetée, une toilette de bal. La jeune fille, presque endormie, avait laissé ici sa jupe de gaze, là son écharpe, plus loin ses souliers de satin. Auprès d’elle, dans une coupe d’agate, brillaient des bijoux ; un bouquet fané se mourait à côté d’un carnet de danse.

Le front sur l’un de ses bras nus, elle prit un collier et se mit à jouer avec les perles. Puis elle le posa, ouvrit le carnet et le feuilleta. Le petit livre avait un air ennuyé et indifférent. Georgette le parcourait sans