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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/92

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LA FÉE AMOUREUSE

ces douces heures. Quand on aime à seize ans, la voix est inutile ; un seul regard en dit plus qu’un grand discours. Aimez-vous, mes enfants ; laissez parler la vieillesse.

Puis elle les recouvrit de ses ailes, si bien que le comte, qui expliquait comme quoi le géant Buch Tête-de-Fer fut occis par un terrible coup de Giralda, la lourde épée, ne vit pas Loïs déposant son premier baiser sur le front d’Odette frissonnante.

Il faut, Ninon, que je te parle de ces belles ailes de ma fée Amoureuse. Elles étaient transparentes comme verre et menues comme ailes de moucherons. Mais, lorsque deux amants se trouvaient en péril d’être vus, elles grandissaient, grandissaient, et devenaient si obscures et si épaisses qu’elles arrêtaient les regards et étouffaient le bruit des baisers. Aussi le vieillard continua-t-il longtemps son prodigieux récit, et longtemps Lois caressa Odette, la blonde, à la barbe du méchant suzerain.

Mon Dieu ! mon Dieu ! les belles ailes que c’était ! Les jeunes filles, m’a-t-on dit, les retrouvent parfois ; plus d’une sait ainsi se cacher aux yeux des grands-parents. Est-ce vrai, Ninon ?

La longue histoire du comte finit, cependant. La fée Amoureuse disparut dans la flamme, et Loïs s’en alla, remerciant son hôte et envoyant un dernier baiser à Odette. La jeune fille dormit si heureuse, cette nuit-là, qu’elle rêva des montagnes de fleurs éclairées par des