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LA FÉE AMOUREUSE

chaque oiseau qui passait, et sentant en elle des élans qui la faisaient bondir et frapper ses petites mains l’une contre l’autre.

Le soir venu, elle descendit dans la grande salle du château. Près du comte Enguerrand se trouvait un chevalier qui écoutait les récits du vieillard. Elle prit sa quenouille, s’assit devant l’âtre où chantait le grillon, et le fuseau d’ivoire tourna rapidement entre ses doigts.

Au fort de son travail, ayant jeté les yeux sur le chevalier, elle lui vit la tige de marjolaine entre les mains, et voilà qu’elle reconnut Loïs à la voix douce. Un cri de joie faillit lui échapper. Pour cacher sa rougeur, elle se pencha vers les cendres et remua les tisons avec une longue tige de fer. Le brasier crépita, les flammes s’effarèrent, des gerbes bruyantes jaillirent, et soudain, du milieu des étincelles, surgit Amoureuse, souriante et empressée. Elle secoua de sa robe verte les parcelles embrasées qui couraient sur la soie, pareilles à des paillettes d’or ; elle s’élança dans la salle, et, invisible pour le comte, vint se placer derrière les jeunes gens. Là, tandis que le vieux chevalier contait un combat effroyable contre les Infidèles, elle leur dit doucement :

— Aimez-vous, mes enfants. Laissez les souvenirs à l’austère vieillesse, laissez-lui les longs récits, auprès des tisons ardents. Qu’au pétillement de la flamme ne se mêle que le bruit de vos baisers. Plus tard il sera temps d’adoucir vos chagrins en vous rappelant