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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/94

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LA FÉE AMOUREUSE

sous le jour éclatant, dans les allées, près de l’eau des fontaines, partout où vous serez. Je suis là et je veille sur vous. Dieu m’a mise ici-bas pour que les hommes, ces railleurs de toute sainteté, ne viennent jamais troubler vos pures émotions. Il m’a donné mes belles ailes et m’a dit : « Va, et que les jeunes cœurs se réjouissent. » Aimez-vous, je suis là et je veille sur vous.

Et elle allait, butinant la rosée qui était sa seule nourriture, et entraînant, dans une ronde joyeuse, Odette et Loïs, dont les mains se trouvaient enlacées.

Tu me demanderas ce qu’elle fit des deux amants. Vraiment, mon amie, je n’ose te le dire. J’ai peur que tu te refuses à me croire, ou bien que, jalouse de leur fortune, tu ne me rendes plus mes baisers. Mais te voilà toute curieuse, méchante fille, et je vois bien qu’il me faut te contenter.

Or, apprends que la fée rôda ainsi jusqu’à la nuit. Lorsqu’elle voulut séparer les amants, elle les vit si chagrins, mais si chagrins de se quitter, qu’elle se mit à leur parler tout bas. Il paraît qu’elle leur disait quelque chose de bien beau, car leurs visages rayonnaient et leurs yeux grandissaient de joie. Et, lorsqu’elle eut parlé et qu’ils eurent consenti, elle toucha leurs fronts de sa baguette.

Soudain… Oh ! Ninon, quels yeux grands d’étonnement ! Comme tu frapperais du pied, si je n’achevais pas !

Soudain Loïs et Odette furent changés en tiges de marjolaine, mais de marjolaine si belle qu’il n’y a