Page:Zola - Fécondité.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rires, mais dont les deux ans et deux mois se tenaient quand même gaillardement debout.

— Ah ! tu sais, maman, cria Ambroise, j’ai pas chaud, moi ! Fais une petite place !

D’un bond, il sauta dans le lit, se fourra sous la couverture, se blottit contre sa mère, de sorte qu’il ne montra plus que sa tête rieuse, aux fins cheveux frisés. Mais les deux aînés, à cette vue, poussèrent un cri de guerre, se ruèrent à leur tour, envahirent la ville assiégée.

— Fais une petite place ! Fais une petite place ! … Dans ton dos, maman ! Contre ton épaule, maman !

Et il ne resta par terre que Rose, hors d’elle, indignée. Vainement, elle avait tenté l’assaut, elle était retombée sur son derrière.

—  Et moi ! maman, et moi !

Il fallut l’aider, pendant qu’elle se cramponnait, se hissait des deux poings, et la mère la prit entre ses bras, ce fut elle la mieux placée. D’abord le père avait tremblé, en s’imaginant que cette bande de conquérants envahisseurs allait terriblement meurtrir la pauvre maman. Mais elle le rassurait, en riant très fort avec eux. Non, non ! ils ne lui faisaient aucun mal, ils ne lui apportaient que des caresses heureuses. Et il s’émerveilla, dès lors, tellement le tableau était amusant, d’une beauté adorable et gaie. Ah ! la belle et bonne mère Gigogne, comme elle s’appelait elle-même en plaisantant parfois, avec Rose sur sa poitrine, Ambroise disparu à moitié contre un de ses flancs, Blaise et Denis derrière ses épaules ! C’était toute une nichée, des petits becs roses qui se tendaient de partout, des cheveux fins ébouriffés comme des plumes, tandis qu’elle-même, d’une blancheur et d’une fraîcheur de lait, triomphait glorieusement dans sa fécondité, vibrante de la vie qui la soulevait de nouveau, prête à enfanter une fois encore.