heures interminables qu’elle passait à bavarder dans l’étroite boutique, parut toute fière, avec un sourire d’arrière-moquerie, d’être questionnée ainsi. Elle s’étala, fit sentir son importance.
— Mais tout s’est passé très bien, Madame. Des couches superbes, un beau petit garçon… J’avoue à madame que j’ai couru le voir ce matin. C’est une curiosité bien légitime, n’est-ce pas ?
Puis, comme Valentine, passionnément, l’interrogeait toujours, elle entra dans les moindres détails.
— D’ailleurs, elle était entre de bonnes mains. C’est moi qui lui avais indiqué madame Rouche, la sage-femme du bas de la rue du Rocher, parce qu’une de mes amies, accouchée par elle, m’en avait dit tout le bien possible. Sans doute, elle ne vaut pas madame Bourdieu qui a une si belle installation, rue de Miromesnil ; mais aussi elle est moins chère, et ma foi ! l’ouvrage fini, ça se vaut… Avec madame Rouche, ça ne traîne pas, sans compter qu’elle y met une vraie complaisance.
Brusquement, elle se tut, en voyant les yeux de Mathieu fixés sur elle. Que disait-elle donc, pour que ce monsieur la regardât de la sorte ? Elle se troubla, eut un coup d’œil furtif et inquiet sur sa taille. Enceinte elle-même de six mois, elle se serrait à étouffer, par crainte de perdre sa place. Prise une fois déjà, dès son arrivée à Paris, l’oubli d’un instant avec le fils de la maison où elle servait, elle s’était fait accoucher d’un enfant mort-né par madame Rouche dont c’était la spécialité. Cette fois, le petit devait être d’un fournisseur ; mais elle n’en voulait rien savoir, furieuse d’avoir eu la bêtise de se laisser reprendre, elle rusée maintenant, qui s’était tant promis du plaisir sans peine. Et elle ne se montrait si gaie, elle ne faisait de si grands éloges de madame Rouche, que bien résolue à être accouchée d’un enfant mort-né encore, préparant déjà une demande de congé