Page:Zola - Fécondité.djvu/170

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— Vos fillettes vont prendre du mal. Que désirez-vous, voyons ?

— Hélas ! monsieur, c’est pour le malheur de Norine, vous savez bien. Il ne nous manquait plus que cette abomination. Elle m’a tout raconté, elle n’a que moi qui la soutienne un peu ; car je vous demande à quoi ça nous avancerait, si je tombais sur elle à coups de bâton ?… Alors, que va-t-elle devenir, maintenant que Moineaud l’a chassée, en menaçant de la tuer, s’il la retrouvait chez nous ? Il n’est pas méchant, Moineaud, mais il faut comprendre qu’il ne peut vraiment pas accepter devant le monde une honte pareille. Des enfants, n’est-ce pas ? on les fait sans y songer, puis ça pousse, on les aime bien tout de même ; encore des garçons, c’est comme des oiseaux, va où tu veux, fais ce qu’il te plaît, dès que tu es sorti du nid ; seulement des filles, ça vous vexe trop, quand on s’aperçoit qu’elles tournent mal… Moineaud n’est pas content, il parle de tout casser, c’est bien naturel. »

Mathieu approuvait de la tête. Il y avait là la commune histoire des ménages ouvriers à famille nombreuse : le père, bon homme au fond, ne s’inquiétant guère de la nichée débordante ; la mère, trop occupée, ne pouvant surveiller son petit monde ; l’inconduite fatale, le réveil de colère des parents, lorsque la faute est commise ; et le tout aboutissant à la dispersion de la famille, à de la vie sociale misérablement gâchée et perdue.

Lasse de voir que la mission, dont elle avait chargé sa mère, traînait si longtemps, Norine pleurnicha plus haut, murmura entre deux soupirs :

— Dis donc à monsieur que je t’ai tout raconté. 

Enfin, la Moineaude dut aborder le terrible sujet. Elle baissa la voix.

— Oui, monsieur, Norine m’a explique que vous étiez la seule personne qui pouvait quelque chose pour nous,