Page:Zola - Fécondité.djvu/177

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que Norine ne mentait pas, les détails qu’elle lui avait donnés, les larmes des deux pauvres femmes, l’abominable dureté qu’il y aurait à laisser cette malheureuse dans la rue. En supposant même que l’enfant ne fût pas de lui, elle n’en avait pas moins été sa maîtresse, il ne pouvait refuser de la secourir, maintenant qu’elle était en un si pitoyable abandon.

« Vous vous dites plus mauvais homme que vous n’êtes, vraiment je suis convaincu que vous allez réfléchir et que vous ferez le nécessaire. Un galant homme comme vous se conduit proprement, que diable !

— Mais, si je fais quelque chose, cria Beauchêne combattu, angoissé, on va raconter partout que l’enfant est bien de moi. C’est alors qu’elle aura beau jeu pour me le mettre sur le dos. »

De nouveau, le silence régna, on entendit le jet strident d’un tuyau qui lâchait de la vapeur, au fond de la cour. Puis, il reprit avec gêne, après une hésitation : « Est-ce qu’elle menace de faire du bruit ?… J’ai craint un moment qu’elle n’allât trouver ma femme. Ce serait rudement ennuyeux. »

Mathieu retint un sourire. Il sentit qu’il avait cause gagnée.

« Dame ! on ne sait jamais… Elle n’est certainement pas méchante. Seulement, quand on pousse les femmes à bout, elles deviennent capables des pires folies… Et, d’ailleurs, elle n’a eu aucune exigence, elle ne m’a pas même expliqué ce qu’elle demandait, si ce n’est, qu’elle ne pouvait rester sur le trottoir, par un temps pareil, puisque son père l’a chassée… Moi, si vous voulez mon avis. j’ai pensé qu’on devrait, dès demain, la mettre en pension chez une sage-femme. Puisqu’elle est enceinte de six mois, ça vous ferait quatre ou cinq mois à payer, un billet de cinq cents francs en chiffre rond. Ce serait très bien. »