Page:Zola - Fécondité.djvu/178

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Beauchêne se leva d’un brusque mouvement, alla jusqu’à la fenêtre, puis, revenant :

« Je n’ai pas mauvais cœur, vous me connaissez, n’est-ce pas ? Et ce n’est pas cinq cents francs de plus ou de moins qui me gêneront. Si je me suis mis en colère, c’est que l’idée seule d’être volé me jette hors de moi… Mais, du moment qu’il s’agit d’une œuvre de charité, oh ! mon Dieu ! faites. À une condition, pourtant : je ne me mêlerai de rien, je ne veux pas même savoir ce que vous allez faire. Choisissez une sage-femme, installez la demoiselle où il vous plaira, je paierai simplement la note. Bonjour, bonsoir. »

Il poussa un grand soupir, soulagé, sauvé du mauvais cas, dont il refusait de confesser l’ennui. Et il redevint supérieur, beau et victorieux, en homme certain de gagner toutes les batailles de la vie. Même il plaisanta : cette Norine, il ne lui en voulait pas au fond, car il n’avait jamais vu de peau pareille à la sienne, un vrai satin, une fraîcheur de rose, et elle s’était punie la première, avec cet enfant de malheur, qui l’avait déjà gâtée, à ne pas la reconnaître. Puis, faisant preuve d’une parfaite liberté d’esprit, il discuta le projet de machine sur lequel il était venu chercher un renseignement, il montra pour ses intérêts de patron une intelligence vive, une âpreté extraordinaire.

Déjà, il s’en était allé, lorsqu’il reparut, rouvrant la porte, répétant :

« Dites surtout ma condition formelle… L’enfant, c’est bien convenu, je ne veux pas même savoir s’il y en a un. Qu’on en fasse ce qu’on voudra, mais qu’on ne m’en parle jamais. »

Le soir même, il y eut chez les Beauchêne une terrible alerte. Le petit Maurice, comme on allait se mettre à table, tomba sur le parquet, pris d’une syncope. L’évanouissement dura près d’un quart d’heure ; et les parents