Page:Zola - Fécondité.djvu/231

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« Oh ! chère femme, comme tu as été bonne et brave, et que je t’aime !

— Oui, oui, je suis bien heureuse, c’est moi qui vais t’aimer davantage, de tout cet amour dont tu m’as comblée ! »

Le docteur Boutan intervint, lui défendit de dire un seul mot. Et il se récriait sur la beauté de l’enfant, plaisantant, répétant, dans sa passion des familles nombreuses, qu’il n’y a rien de tel pour faire des enfants superbes, que d’en faire le plus souvent qu’on peut. Quand le père et la mère s’adorent, qu’ils ne se livrent pas à des horreurs qui dupent la nature, qu’ils vivent sainement, honnêtement, en dehors des mœurs imbéciles du monde, comment voulez-vous qu’ils ne réussissent pas à merveille les enfants dont ils soignent la fabrication avec tant d’amour ? Et il riait en brave homme.

Mais Mathieu s’était précipité hors de la chambre, pour crier à travers l’escalier :

« C’est un garçon !

— Bon ! répondit d’en bas la voix goguenarde de Beauchêne, ça vous en fait quatre, sans compter une fille. Toutes mes félicitations… Je cours donner la nouvelle à Constance. »

Ah ! cette chambre de combat et de victoire, dans laquelle Mathieu rentra, comme dans une gloire triomphale ! Elle restait frémissante de la souffrance passée, mais quelle souffrance sainte, cette souffrance de la vie en éternelle besogne ! Et de quel espoir sans fin, ouvrant l’avenir, l’emplissaient maintenant la joie délicieuse, l’orgueil vainqueur d’avoir enfanté ! La mort avait beau faire son œuvre nécessaire, le champ mal ensemencé, mal cultivé avait beau être éclairci par le déchet des germes, toujours la moisson pousserait plus dru, grâce à la prodigalité divine des amants, qu’embrasait le désir, créateur du monde. Et la compensation était sans cesse