Page:Zola - Fécondité.djvu/230

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« Et, à propos, dites donc, la belle blonde, là-bas, pas encore ? »

Mathieu s’étonna, puis finit par comprendre qu’il lui demandait si Norine n’était pas accouchée.

« Pas encore, pas avant un grand mois, vous le savez bien.

— Mais je ne sais rien du tout, et ma question est stupide en effet, car je ne veux rien savoir… Quand vous aurez tout payé, répétez-le-lui de ma part : ni elle, ni l’enfant surtout, rien n’existe pour moi. »

À cet instant, la voix de la garde retentit en haut de l’escalier.

« Monsieur, monsieur, venez vite. » Et Beauchêne lui-même le pressa de monter.

« Allez, allez, mon ami. Je vais attendre un peu, pour savoir j’ai une petite cousine ou un petit cousin. »

En entrant dans la chambre, Mathieu fut ébloui. Par la fenêtre dont les rideaux étaient largement relevés, une telle gerbe épandue de soleil entrait, qu’on aurait dit un astre de glorieux accueil. Et vit le docteur, en tablier blanc, qui, de ses mains d’opérateur sacré aidait la venue de l’enfant, au seuil de la vie. Et il entendit Marianne, sa Marianne aimée, adorée, pousser un grand cri, le suprême des mères, le cri de toute vie nouvelle, éperdu de douleur de joie et d’espérance, auquel répondit presque au même instant le vagissement clair du nouveau-né, saluant la lumière du jour.

C’était fait, un être encore continuait les êtres, dans la flamme radieuse du soleil.

« C’est un garçon », dit le docteur.

Déjà Mathieu s’était penché, près de Marianne, et il les baisait de nouveau, en un élan de tendresse, de gratitude infinie, ses beaux yeux restés pleins de larmes. Mais sous les pleurs, elle souriait maintenant, elle avait une allégresse d’aurore, si heureuse, encore toute frissonnante de souffrance.