Page:Zola - Fécondité.djvu/244

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pierres, Rose sautait en criant, comme si elle avait eu l’espoir d’allonger les bras jusque là-haut. Les Angelin restèrent saisis de surprise et d’inquiétude.

« Bon Dieu ! murmura Claire, qu’est-ce que ce sera, lorsque vous en aurez douze ?

— Mais, dit Marianne amusée, la maison nous semblerait morte, s’ils ne criaient pas… Au revoir, chère amie, j’irai vous voir, dès que je pourrai sortir. »

Les mois de mars et d’avril furent superbes, les relevailles de Marianne se firent très heureuses. Aussi la petite maison, écartée, perdue dans les feuilles, vivait-elle en continuelle joie. Chaque dimanche surtout devenait une fête, lorsque le père n’allait pas à son bureau. Les autres jours, il partait dès le matin, ne revenait que vers sept heures, toujours pressé, accablé de travail. Et, si ces continuelles courses n’entamaient point sa belle humeur, il commençait à être hanté par des préoccupations d’avenir. Jamais encore la gêne où il voyait son jeune ménage ne l’avait inquiété. Il était sans aucun désir d’ambition ni de richesse, il savait que sa femme n’avait, comme lui, d’autre idée de bonheur, que de vivre là, très simplement, une vie brave de santé, de paix et d’amour. Mais, tout en ne rêvant pas le pouvoir d’une haute situation, la jouissance d’une grande fortune, il se demandait comment vivre, si modestement que ce fût, maintenant que sa famille s’élargissait sans cesse. Si des enfants lui venaient encore que ferait-il, de quelle façon trouverait-il le nécessaire, chaque fois qu’une naissance nouvelle lui imposerait de nouveaux besoins ? Quand on enfante ainsi, il faut bien, à mesure que de petites bouches s’ouvrent et crient la faim, créer des ressources, faire sortir du sol des subsistances, sous peine de tomber à une imprévoyance criminelle. On ne peut, honnêtement, pondre au hasard comme l’oiseau, lâcher la couvée à l’aventure, à la charge des récoltes d’autrui.