Page:Zola - Fécondité.djvu/261

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nous rendre le service de le porter tout de suite aux Enfants-Assistés. »

Un grand trouble s’était emparé de Norine, elle laissa retomber sa tête sur l’oreiller, dans la nappe dénouée de ses admirables cheveux blonds, le visage assombri, la voix balbutiante.

« Mon Dieu ! mon Dieu ! vous allez me tourmenter encore. »

Et elle mit les deux mains sur ses yeux, comme pour ne plus voir.

« C’est ma consigne, monsieur, expliquait à Mathieu la sage-femme, baissant la voix, laissant un instant la jeune mère à ses réflexions. On nous recommande de tout faire pour que les accouchées, surtout celles qui sont dans la situation de celle-ci, nourrissent elles-mêmes leur enfant. Vous n’ignorez pas que c’est souvent là, non seulement l’enfant sauvé, mais la mère sauvée elle-même du triste avenir qui la menace. Alors, elle a beau vouloir l’abandonner, nous le laissons près d’elle le plus longtemps possible, nous le nourrissons au biberon, en attendant de voir si la maternité ne s’éveillera pas en elle, si la vue de ce pauvre petit être ne la touchera pas. Neuf fois sur dix, dès qu’elle lui donne le sein, elle est vaincue, elle garde. Et c’est pourquoi vous trouvez cet enfant encore ici. »

Mathieu, très ému, s’approcha de Norine, toujours perdue dans ses cheveux, les mains sur la face.

« Voyons, vous n’êtes pas méchante pourtant, vous êtes une bonne fille. Pourquoi ne le nourririez-vous pas, pourquoi ne le garderiez-vous pas, ce cher petit ? » Alors, elle découvrit son visage brûlant et sans larmes.

« Est-ce que le père est seulement venu me voir ? Non, je ne puis aimer l’enfant d’un homme qui agit si salement avec moi. Rien qu’à le savoir là, dans ce berceau, ça me met en colère.