Page:Zola - Fécondité.djvu/262

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— Mais, le cher innocent, il n’est coupable de rien, lui. C’est lui que vous condamnez, c’est vous-même que vous punissez, car vous voilà seule, il serait peut-être pour vous une grande consolation.

— Non, je vous dis que non ! Je ne veux pas, je ne me sens pas la force d’avoir, comme ça, un enfant tout de suite, à mon âge, sans que l’homme qui l’a fait soit là pour m’aider. On sait ce dont on est capable, n’est-ce pas ? Eh bien ! j’ai beau m’interroger, je ne suis pas courageuse et bête à ce point… Non, non, et non ! »

Il se tut, comprenant que rien ne prévaudrait contre ce besoin de liberté qu’elle avait au fond. D’un geste, il dit sa tristesse, sans qu’il eût contre elle ni indignation ni colère, l’excusant d’avoir été ainsi faite, belle fille grisée de tous les désirs du pavé.

« Bon ! c’est entendu, on ne vous force pas à le nourrir, reprit Mme  Bourdieu, tentant un dernier effort. Mais ce n’est guère beau, de l’abandonner. Pourquoi ne le confiez-vous pas à madame, qui le mettrait en nourrice, ce qui vous permettrait de le reprendre un jour, quand vous aurez trouvé du travail ? Cela ne coûterait pas cher, le père paierait sans doute. »

Cette fois, Norine se fâcha.

« Lui, payer ! Ah ! bien ! vous ne le connaissez guère. Ce n’est pas que ça le gênerait, car il est riche à millions. Seulement il n’a qu’un désir, cet homme, c’est que le petit disparaisse, qu’on le jette dans un trou ; et, s’il avait osé, il m’aurait dit de le tuer… Demandez à monsieur si je mens. Vous voyez bien qu’il garde le silence… Et ce serait moi qui paierais, quand je n’ai pas le sou, quand demain je serai peut-être à la rue, sans travail, sans pain ! Non, non, mille fois non, je ne peux pas ! »

Et, prise d’une véritable crise d’énervement et de désespoir elle sanglota.

« Je vous en supplie, laissez-moi tranquille… Voilà