Page:Zola - Fécondité.djvu/275

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comme le petit chien qu’on prend au hasard dans la portée, pour le mettre à la borne ?

Et le fiacre continua de rouler, il n’y eut plus que le grincement des roues. Ce fut seulement lorsqu’elle en descendit, rue de Miromesnil, devant la maison d’accouchement, que la Couteau, ayant vu qu’il était déjà cinq heures et demie, se lamenta, dans la certitude qu’elle allait manquer son train, d’autant plus qu’elle avait encore à régler des comptes et à prendre l’autre enfant, là-haut, Mathieu, qui voulait garder la voiture pour se faire conduire à la gare du Nord, eut la curiosité douloureuse de tout connaître, d’assister au départ des meneuses. Et il la calma, il lui dit de se dépêcher, et qu’il l’attendrait. Puis, comme elle lui demandait un quart d’heure, il désira revoir Norine, il monta, lui aussi.

Lorsqu’il entra dans la chambre, il l’y aperçut toute seule assise au milieu de son lit, sur son séant, en train de manger une des oranges que ses petites sœurs lui avaient apportées. Elle était d’une gourmandise de belle fille grasse, elle détachait les tranches soigneusement, les suçait de toute sa bouche rouge et fraîche les yeux à demi clos, la peau frémissante sous la nappe déroulée de ses cheveux, telle qu’une chatte voluptueuse qui lape une tasse de lait. La brusque entrée de quelqu’un la fit tressaillir. Et, quand elle reconnut le visiteur, elle eut un sourire gêné.

« C’est fait », dit Mathieu simplement.

Elle ne répondit pas tout de suite, s’essuya les doigts à son mouchoir. Il lui fallut parler pourtant.

« Vous ne m’aviez pas prévenue que vous reviendriez, je ne vous attendais pas… Enfin, c’est fait, ça vaut mieux. Je vous assure qu’il n’y avait pas moyen de faire autrement. »

Et elle parla de son départ, demanda si elle pourrait rentrer a l’usine, déclara qu’elle irait quand même s’y