Page:Zola - Fécondité.djvu/299

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être allée chez nous, et Clara lui aura dit que je t’avais accompagné ici. »

C’était, en effet, ce qui venait d’arriver. Morange se hâta de conduire Reine à la voiture, dont Sérafine ne descendit même pas. Et, lorsque sa fille eut, d’un saut joyeux, disparu dans le coupe, il resta là un instant encore, remerciant avec effusion, bien heureux de se dire que la chère enfant allait se distraire. Puis, lorsqu’il eut regardé longuement le coupé disparaître, il entra dans l’usine, tout d’un coup vieilli, affaissé, comme si son chagrin lui retombait sur les épaules, l’anéantissant à ce point, qu’il oublia les deux hommes et ne les salua même pas.

« Pauvre homme ! » murmura Mathieu, que l’apparition de la tête de Sérafine, moqueuse, incendiée de ses cheveux roux, avait glacé.

À ce moment, d’une des fenêtres de l’hôtel, Beauchêne appela du geste Mathieu, pour lui dire de monter avec le docteur. Et ces deux derniers trouvèrent Constance et Maurice dans le petit salon où le père était venu achever son café, en fumant un cigare. Tout de suite, Boutan s’occupa de l’enfant, qui allait beaucoup mieux des jambes ; mais l’estomac restait troublé, la moindre infraction au régime amenait des complications fâcheuses. Alors, pendant que Constance, dont l’inquiétude maternelle était devenue très grande, sans qu’elle l’avouât, questionnait sans fin le docteur, l’écoutait avec religion, Beauchêne emmena Mathieu à l’écart.

« Dites donc, vous, pourquoi ne m’avez-vous pas raconté que tout, là-bas, était fini ? »

Il riait, le sang aux joues, suçant son cigare, souillant de grosses bouffées de fumée.

« Mais oui, la belle blonde, je l’ai rencontrée hier. »

Tranquillement, Mathieu répondit qu’il attendait d’être interrogé pour lui rendre compte de sa mission, désireux de ne pas soulever le premier ce sujet pénible. La